Monteverdi et Wagner. Penser l’opéra
Olivier Lexa
Monteverdi et Wagner : hiatus, mariage impossible, défiance à l’entendement. Le mélomane proteste. Mais le parallèle n’est pas inédit. Car mettre en relation Monteverdi et Wagner, qu’a priori tout oppose, permet de lever le voile sur l’essentiel. À deux siècles d’intervalle, les changements de paradigme opérés par les deux artistes ont un terreau commun. Au-delà des analogies formelles, les attaques portées aux deux compositeurs et leurs répliques sous forme d’écrits théoriques mettent en évidence un monde d’idées. Nietzsche commença sa carrière philosophique en le soulignant. À travers Ficin et Politien pour Monteverdi – Hölderlin, Schelling et Novalis pour Wagner –, les racines néoplatoniciennes communes aux deux créateurs constituent une autre correspondance révélatrice. On les retrouve au seuil du baroque comme du symbolisme. Venise, Pétrarque et Le Tasse ne laissent pas de réunir Monteverdi et Wagner, tandis qu’Orphée et Tristan offrent au chercheur une série d’analogies frappantes. Alors pourquoi ce rapprochement a-t-il été si peu approfondi ?
Certes, la dénonciation des frontières interdisciplinaires propres au système académique n’est pas nouvelle. Mais faut-il rester muet devant leur persistance ? Il existe aujourd’hui toute une philosophie de la musique, ou précisément de la musique instrumentale. Mais où est la philosophie de l’opéra ? Après avoir évoqué les apports lumineux de Romain Rolland et de Jean-Jacques Nattiez à la musicologie, Olivier Lexa établit un bref historique de la philosophie de l’opéra, de Rousseau à Nietzsche en passant par Hegel, Novalis, Schopenhauer et Kierkegaard. Par la suite, l’auteur aborde la portée exemplaire de l’histoire de l’art, de l’histoire culturelle et de l’esthétique analytique, avant de se pencher sur les relations que plusieurs grands penseurs récents et contemporains ont entretenues avec l’art lyrique : Adorno, Lévi-Strauss, Barthes, Deleuze, Foucault, Bourdieu, Badiou, Lacoue-Labarthe et Žižek. Sera-t-on surpris de retrouver les noms de Monteverdi et Wagner parmi les récurrences dominantes ? |