L'Anarchie et le problème du politique
Alfredo Gómez-Muller (dir.)
Expression particulière de l’idéal moderne d’émancipation, l’anarchisme s’est distingué dans l’histoire des idées politiques et sociales par sa critique radicale du politique en tant qu’organisation étatique du public : l’an-archie signifie d’abord la réappropriation sociale de la dimension publique, et, dans la tradition anarcho-syndicaliste, la résorption du politique dans l’économique et le social. Pourtant, l’histoire de l’anarchisme du XIXe et du XXe siècles est traversée par une tension permanente entre le projet d’une organisation non étatique du public et la nécessité d’utiliser la médiation politique-étatique comme forme d’action. La solution fédéraliste proposée par Pierre-Joseph Proudhon au XIXe siècle, la Commune de Paris en 1871, ou la participation des anarchistes de la Confédération nationale du travail au gouvernement républicain durant la guerre civile espagnole en sont quelques exemples.
Les textes qui sont rassemblés dans ce volume interrogent cette tension non pas comme une incohérence, mais comme le symptôme d’un problème général qui touche au sens même du politique, et dont on peut trouver une expression dans la crise contemporaine des formes établies de démocratie représentative et de la notion de représentation politique, ainsi que dans l’émergence récente de nouvelles formes d’action publique – Indignados, Occupy, certaines formes de l’altermondialisme – qui mettent en question la pratique politique en tant que pratique spécialisée et professionnelle reproduisant les hiérarchies instituées et les systèmes verticaux de prise de décision ou engendrant de nouvelles hiérarchies qui échappent dans une large mesure au contrôle social. |