Lettres à Véronique
Léon Bloy
On sait que l’histoire de Véronique et de Marchenoir, telle qu’elle est
contée dans le Désespéré, repose sur des données autobiographiques et
se rapporte à un des moments les plus décisifs, et les plus tragiques, de la
vie de Léon Bloy.
Véronique s’appelait en réalité Anne-Marie Roulé (ou Roullé, ou
Roulet). Cette femme, qui a joué un rôle centrale dans la vie d’un des plus
grands écrivains français, restera toujours une figure cachée dans l’ombre :
constatons ici l’impuissance de l’histoire littéraire, et souhaitons qu’elle
comprenne avec quelle réserve il convient d’essayer de pénétrer des secrets dont
les explicateurs des grandes âmes ne seraient fondés à parler avec assurance
qu’après le dernier jugement. Si nous publions aujourd’hui les très précieuses
lettres de Léon Bloy à Anne-Marie, ce n’est pas pour fournir une pâture
aux psychologues, ni aux futurs historiens littéraires du sentiment religieux.
Nous espérons que ce recueil aidera quelques-uns des amis inconnus pour
lesquels Bloy écrivait, et souffrait, à sentir plus profondément et à chérir
davantage le mystère d’une destinée incomparablement douloureuse, où
l’abîme du cœur de Dieu et l’abîme du cœur de l’homme n’ont cessé de
s’appeler, et dont la générosité fructifiera longtemps.
Jacques Maritain |